Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/463

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LE BANQUET DE PLATON.

SUR L’AMOUR.
apollodore.

Je crois que je n’aurai pas de peine à vous faire le récit que vous me demandez : car hier, comme je revenois de ma maison de Phalère, un homme de ma connoissance, qui venoit derrière moi, m’aperçut, et m’appela de loin. « Hé quoi ? s’écria-t-il en badinant, Apollodore ne veut pas m’attendre ? » Je m’arrêtai, et je l’attendis. « Je vous ai cherché longtemps, me dit-il, pour vous demander ce qui s’étoit passé chez Agathon[1], le jour que Socrate et Alcibiade y soupèrent. On dit que toute la conversation roula sur l’Amour, et je mourois d’envie d’entendre ce qui s’étoit dit de part et d’autre sur cette matière. J’en ai bien su quelque chose par le moyen d’un homme à qui Phénix avoit raconté une partie de leurs discours ; mais cet homme ne me disoit rien de certain. Il m’apprit seulement que vous saviez le détail de cet entretien : contez-le-moi donc, je vous prie. Aussi bien, à

  1. Racine a chargé de notes latines et françaises les marges d’un Platon édition de Bâle, in-folio, 1534). Nous parlerons de ces notes, quand nous nous occuperons des livres que notre poëte a annotés ; mais ici même, il peut être à propos d’en citer quelques-unes. Au bas de la première page du Banquet, Racine a écrit : « C’est cet Agathon qui est cité trois ou quatre fois dans la Poétique d’Aristote (voyez chapitres ix, xv et xviii), et qu’Aristophane raille plaisamment en le faisant venir habillé en femme dans le Jugement des femmes contre Euripide (Racine désigne la comédie intitulée Θεσμοφοριάζουσαι). Il falloit qu’il fût beau par excellence. »