Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/465

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quelquefois interrogé Socrate sur des choses que cet Aristodème m’avoit récitées, et Socrate avouoit qu’il m’avoit dit la vérité. — Que tardez-vous donc, me dit Glaucon, que vous ne me fassiez ce récit ? Pouvons-nous mieux employer le chemin qui nous reste d’ici à Athènes ? » Je le contentai, et nous discourûmes de ces choses le long du chemin. C’est ce qui fait que, comme je vous disois tout à l’heure, j’en ai encore la mémoire fraîche ; et il ne tiendra qu’à vous de les entendre. Aussi bien, outre le profit que je trouve à parler ou à entendre parler de philosophie, c’est qu’il n’y a rien au monde où je prenne tant de plaisir. Tout au contraire des autres discours. Je me meurs d’ennui quand je vous entends, vous autres riches, parler de vos intérêts et de vos affaires. Je déplore en moi-même l’aveuglement où vous êtes. Vous croyez faire merveilles, et vous ne faites rien d’utile. Peut-être vous, de votre côté, vous me plaignez, et me regardez en pitié. Peut-être même avez-vous raison de penser cela de moi. Et moi, non-seulement je pense que vous êtes à plaindre, mais je suis très-convaincu que j’ai raison de le penser.

l’ami d’apollodore.

Vous êtes toujours vous-même[1], cher Apollodore. Vous ne cessez point de dire du mal de vous et de tous les autres[2]. Vous êtes persuadé qu’à commencer par vous, tous les hommes, excepté Socrate, sont des misérables. Je ne sais pas pour quel sujet on vous a donné le nom de furieux ; mais je sais bien qu’il y a quelque chose de cela dans tous vos discours. Vous êtes toujours en fureur contre vous et contre tout le reste des hommes, excepté contre Socrate.

  1. Dans l’édition de Geoffroy et dans celle d’Aimé-Martin, on a ainsi corrigé cette phrase : « Vous êtes toujours le même. »
  2. Dans ses notes sur le Platon de Bâle, Racine traduit : « Vous vous condamnez toujours vous et les autres. »