Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/466

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apollodore.

Il vous semble donc qu’il faut être un furieux et un insensé pour parler ainsi de moi et de tous tant que vous êtes ?

l’ami d’apollodore.

Une autre fois nous traiterons cette question. Souvenez-vous maintenant de votre promesse, et redites-nous les discours qui furent tenus chez Agathon.

apollodore.

Les voici ; ou plutôt il vaut mieux vous faire cette narration de la même manière qu’Aristodème me l’a faite.

« Je rencontrai Socrate, me disoit-il, qui sortoit du bain, et qui étoit chaussé plus proprement qu’à son ordinaire. Je lui demandai où il alloit si propre et si beau. — Je vais souper chez Agathon, me répondit-il. J’évitai de me trouver hier à la fête de son sacrifice, parce que je craignois la foule ; mais je lui promis en récompense que je serois du lendemain, qui est aujourd’hui. Voilà pourquoi vous me voyez si paré. Je me suis fait beau pour aller chez un beau garçon. Mais vous, Aristodème, seriez-vous d’humeur avenir aussi, quoique vous ne soyez point prié ? — Je ferai, lui dis-je, ce que vous voudrez. — Venez, dit-il, et montrons, quoi qu’en dise le proverbe, qu’un galant homme peut aller souper chez un galant homme sans en être prié. J’accuserois volontiers Homère d’avoir péché contre ce proverbe, lorsque après nous avoir représenté Agamemnon comme un grand homme de guerre, et Ménélas comme un médiocre guerrier, il feint que Ménélas vient au festin d’Agamemnon sans être invité[1], c’est-à-dire qu’il fait venir un homme de peu de valeur chez un brave homme qui ne l’attend pas. — J’ai bien peur, dis-je à Socrate, que je ne sois le Ménélas du

  1. Iliade, livre II, vers 408.