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LE BANQUET

voir, et épuisent la matière, nous en serons quittes pour leur donner notre approbation. Que Phèdre commence donc, à la bonne heure, et qu’il loue l’Amour. » Le sentiment de Socrate fut généralement suivi. De vous rendre ici mot à mot tous les discours que l’on prononça, c’est ce que vous ne devez pas attendre de moi, Aristodème, de qui je les tiens, n’ayant pu me les rapporter si parfaitement, et moi-même ayant laissé échapper quelque chose du récit qu’il m’en a fait ; mais je vous redirai l’essentiel. Voici donc à peu près, selon lui, quel fut le discours de Phèdre.

discours de phèdre.

C’est un grand dieu que l’Amour, et véritablement digne d’être honoré des Dieux et des hommes. Il est admirable par beaucoup d’endroits, mais surtout à cause de son ancienneté ; car il n’y a point de dieu plus ancien que lui. En voici la preuve. On ne sait point quel est son père ni sa mère, ou plutôt il n’en a point. Jamais poëte, ni aucun autre homme ne les a nommés. Hésiode, après avoir d’abord parlé du Chaos, ajoute[1] :

La Terre au large sein, le fondement des cieux ;
Après elle l’Amour, le plus charmant des Dieux.

Hésiode par conséquent fait succéder au Chaos la Terre et l’Amour. Parménide[2] a écrit que l’Amour est sorti du Chaos :

L’Amour fut le premier enfanté dans son sein.

Acusilas[3] a suivi le sentiment d’Hésiode. Ainsi, d’un

  1. Théogonie, vers 116, 117 et 120.
  2. Parménide d’Élée, philosophe et poëte.
  3. Acusilas d’Argos, ancien historien, qui vivait un peu avant l’expédition de Darius en Grèce. Voyez Josèphe, Contre Appion, livre I, chapitres ii et iii.