Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/174

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Andromaque trompa l’ingenieux Ulyſſe,
Tandis qu’un autre Enfant arraché de ſes bras,
Sous le nom de ſon Fils fut conduit au trépas.
On dit, que peu ſenſible aux charmes d’Hermione,
Mon Rival porte ailleurs ſon Cœur et ſa Couronne;
Menelas, ſans le croire, en paroiſt affligé,
Et ſe plaint d’un Hymen ſi long-temps negligé.
Parmy les déplaiſirs où ſon ame ſe noye,
Il s’éléve en la mienne une ſecrette joye :
Je triomphe ; & pourtant je me flate d’abord
Que la ſeule vangeance excite ce tranſport.
Mais l’Ingrate en mon cœur reprit bien-toſt ſa place,
De mes feux mal éteints je reconnus la trace,
Je ſentis que ma haine alloit finir ſon cours,
Ou plûtoſt je ſentis que je l’aimois toûjours.
Ainſi de tous les Grecs je brigue le ſuffrage.
On m’envoye à Pyrrhus. J’entreprens ce voyage,
Je viens voir ſi l’on peut arracher de ſes bras
Cét Enfant, dont la vie allarme tant d’Eſtats.
Heureux ſi je pouvois dans l’ardeur qui me preſſe,
Au lieu d’Aſtyanax luy ravir ma Princeſſe !
Car enfin n’attens pas que mes feux redoublez,
Des périls les plus grands puiſſent eſtre troublez.
Puis qu'apres tant d’efforts ma reſiſtance eſt vaine,
Je me livre en aveugle au tranſport qui m’entraîne,
J’aime, je viens chercher Hermione en ces lieux,
La fléchir, l’enlever, ou mourir à ſes yeux.
Toy qui connois Pyrrhus, que penſes-tu qu’il faſſe ?
Dans ſa Cour, dans ſon cœur, dy-moy ce qui ſe paſſe.
Mon Hermione encor le tient-elle aſſervy ?
Me rendra-t'il Pylade, un Cœur qu’il m’a ravy ?

Pylade

Je vous abuſerois ſi j’oſois vous promettre