Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/175

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Qu'entre vos mains, Seigneur, il voulut la remettre.
Non, que de ſa Conqueſte il paroiſſe flaté.
Pour la Veuve d’Hector ſes feux ont éclaté,
Il l’aime. Mais enfin cette Veuve inhumaine
N’a payé juſqu’icy ſon amour que de haine,
Et chaque jour encore on luy voit tout tenter,
Pour flechir ſa Captive, ou pour l’épouvanter.
Il luy cache ſon Fils, il menaſſe ſa teſte,
Et fait couler des pleurs, qu’auſſi-toſt il arrefte.
Hermione elle-meſme a veu plus de cent fois
Cet Amant irrité revenir ſous ſes loix,
Et de ſes vœux troublez luy rapportant l’hommage,
Soupirer à ſes pieds moins d’amour que de rage.
Ainſi n’attendez pas, que l'on puiſſe aujourd’huy
Vous répondre d’un Cœur, ſi peu maiftre de luy.
Il peut, Seigneur, il peut dans ce deſordre extréme,
Epouſer ce qu’il hait & perdre ce qu’il aime.

Oreste

Mais dy-moy, de quel œil Hermione peut voir
Son hymen differé, ſes charmes ſans pouvoir.

Pylade

Hermione, Seigneur, au moins en apparance,
Semble de ſon Amant dédaigner l’inconſtance,
Et croit que trop heureux de flechir ſa rigueur,
Il la viendra preſſer de reprendre ſon Cœur.
Mais je l’ay veuë enfin me confier ſes larmes.
Elle pleure en ſecret le mépris de ſes charmes.
Toujours preſte à partir, & demeurant toujours,
Quelquefois elle appelle Oreſte à ſon ſecours.

Oreste

Ah ! ſi je le croyois, j’irois bientoſt, Pylade,
Me jetter….

Pylade

Me jetterAchevez, Seigneur, voſtre ambaſſade.