Je ne viens point armé d’un indigne artifice,
D’un voile d’équité couvrir mon injuſtice.
Il ſuffit que mon cœur me condamne tout bas,
Et je ſoutiendrois mal ce que je ne croy pas.
J’épouſe une Troyenne. Oüy, Madame, & j’avouë
Que je vous ay promis la foy, que je luy vouë.
Un autre vous diroit que dans les champs Troyens
Nos deux Peres ſans nous formerent ces liens,
Et que ſans conſulter ni mon cœur ni le voſtre,
Nous fuſmes ſans amour engagez l’un à l’autre.
Mais c’eſt aſſez pour moy que je me ſois ſoumis.
Par mes Ambaſſadeurs mon cœur vous fut promis.
Loin de les revoquer, je voulus y ſouſcrire.
Je vous vis avec eux arriver en Epire.
Et quoy que d’un autre œil l’éclat victorieux
Euſt déja prévenu le pouvoir de vos yeux ;
Je ne m’arreſtay point à cette ardeur nouvelle.
Je voulus m’obſtiner à vous eſtre fidelle.
Je vous receûs en Reine, & juſques à ce jour
J’ay cru que mes ſermens me tiendroient lieu d’amour.
Mais cét amour l’emporte. Et par un coup funeſte,
Andromaque m’arrache un cœur qu’elle deteſte.
L’un par l’autre entraiſnez, nous courons à l’Autel
Nous jurer, malgré nous, un amour immortel.
Apres cela, Madame, éclatez contre un Traiſtre,
Qui l’eſt avec douleur, & qui pourtant veut l’eſtre.
Pour moy, loin de contraindre un ſi juſte courroux,
Il me ſoulagera peut-eſtre autant que vous.
Donnez-moy tous les noms deſtinez aux Parjures,
Je crains voſtre ſilence, & non pas vos injures,
Et mon cœur ſoulevant mille ſecrets témoins,
M’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins.
Seigneur, dans cét aveu dépoüillé d’artifice,
J’aime à voir que du moins vous vous rendiez juſtice,