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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/257

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Ce jour, ce triſte jour frappe encor ma memoire,
Où Neron fut luy-meſme ébloüy de ſa gloire,
Quand les Ambaſſadeurs de tant de Rois divers
Vinrent le reconnoiſtre au nom de l’Univers.
Sur ſon Trône avec luy j’allois prendre ma place.
J’ignore quel conſeil prépara ma diſgrace.
Quoy qu’il en ſoit, Neron, d’auſſi loin qu’il me vit,
Laiſſa ſur ſon viſage éclatter ſon dépit.
Mon cœur même en conçût un malheureux augure.
L’Ingrat d’un faux reſpect colorant ſon injure,
Se leva par avance, & courant m’embraſſer
Il m’écarta du Trône où je m’allois placer.
Depuis ce coup fatal, le pouvoir d’Agrippine
Vers ſa chûte, à grands pas, chaque jour s’achemine.
L’ombre ſeule m’en reſte, & l’on n’implore plus
Que le nom de Seneque, & l’appuy de Burrhus.

ALBINE.

Ah ! ſi de ce ſoupçon voſtre ame eſt prévenuë,
Pourquoy nourriſſez-vous le venin qui vous tuë ?
Allez avec Céſar vous éclaircir du moins.

AGRIPPINE.

Ceſar ne me voit plus, Albine, ſans témoyns.
En public, à mon heure, on me donne audience.
Sa réponſe eſt dictée, & meſme ſon ſilence.
Je voy deux ſurveillans, ſes Maiſtres, & les miens,
Préſider l’un ou l’autre à tous nos entretiens.
Mais je le pourſuivray d’autant plus qu’il m’évite.
De ſon deſordre, Albine, il faut que je profite.

J’entens du bruit, on ouvre, allons ſubitement
Luy demander raiſon de cét enlevement.
Surprenons, s’il ſe peut les ſecrets de ſon ame.
Mais quoy ? Déja Burrhus ſort de chez luy ?