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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/287

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On exile Pallas, dont le crime peut-eſtre
Eſt d’avoir à l’Empire élevé voſtre Maiſtre.
Vous le ſçavez trop bien. Jamais ſans ſes avis
Claude qu’il gouvernoit n’euſt adopté mon Fils.
Que dis-je ? A ſon Eſpouſe on donne une Rivale.
On affranchit Neron de la foy conjugale.
Digne employ d’un Miniſtre ennemy des Flatteurs,
Choiſi pour mettre un frein à ſes jeunes ardeurs,
De les flatter luy-meſme, & nourrir dans ſon ame
Le mépris de ſa Mere & l’oubly de ſa Femme !

BURRHUS.

Madame, juſqu’icy c’eſt trop toſt m’accuſer.
L’Empereur n’a rien foit qu’on ne puiſſe excuſer.
N’imputez qu’à Pallas un exil neceſſaire,
Son orgueil des long-temps exigeoit ce ſalaire,
Et l’Empereur ne fait qu’accomplir à regret
Ce que toute la Cour demandoit en ſecret.
Le reſte eſt un malheur qui n’eſt point ſãs reſſource.
Des larmes d’Octavie on peut tarir la ſource.

Mais calmez vos trãſports. Par un chemin plus doux
Vous luy pourrez pluſtoſt ramener ſon Eſpoux.
Les menaſſes, les cris le rendront plus farouche.

AGRIPPINE.

Ah ! L’on s’efforce en vain de me fermer la bouche.
Je voy que mon ſilence irrite vos dédains,
Et c’eſt trop reſpecter l’ouvrage de mes mains.
Pallas n’emporte pas tout l’appuy d’Agrippine,
Le Ciel m’en laiſſe aſſez pour vanger ma ruine.
Le Fils de Claudius commence à reſſentir
Des crimes, dont je n’ay que le ſeul repentir.
J’iray, n’en doutez point, le monſtrer à l’Armée,
Plaindre aux yeux des Soldats ſon enfãce opprimée,
Leur faire à mon exemple expier leur erreur.
On verra d’un coſté le Fils d’un Empereur,