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BRITANNICUS.

N’ont arraché de vous que de feintes careſſes.
Rien ne vous a pû vaincre, & voſtre dureté
Auroit dû dans ſon cours arreſter ma bonté.
Que je ſuis mal-heureuſe ! Et par quelle infortune
Faut-il que tous mes ſoins me rendent importune ?
Je n’ay qu’un Fils. O Ciel, qui m’entens aujourd’huy,
T’ay-je fait quelques vœux qui ne fuſſent pour luy ?
Remors, crainte, perils, rien ne m’a retenuë.
J’ay vaincu ſes mépris, j’ay detourné ma veuë
Des mal-heurs qui dés-lors me furent annoncez.
J’ay fait ce que j’ay pû, vous regnez, c’eſt aſſez.
Avec ma liberté, que vous m’avez ravie,
Si vous le ſouhaittez prenez encor ma vie ;
Pourveu que par ma mort tout le Peuple irrité
Ne vous raviſſe pas ce qui m’a tant couſté.

NERON.

Hé bien donc, prononcez, que voulez-vous qu’on faſſe ?

AGRIPPINE.

De mes Accuſateurs qu’on puniſſe l’audace,
Que de Britannicus on calme le courroux,
Que Junie à ſon choix puiſſe prendre un Epoux.
Qu’ils ſoient libres tous deux, & que Pallas demeure,
Que vous me permettiez de vous voir à toute heure,
Que ce même Burrhus, qui nous vient écouter,
A voſtre porte enfin n’oſe plus m’arreſter.

NERON.

Ouy, Madame, je veux que ma reconnoiſſance
Deſormais dans les cœurs grave voſtre puiſſance,
Et je benis déja cette heureuſe froideur
Qui de noſtre amitié va rallumer l’ardeur.
Quoy que Pallas ait fait, il ſuffit, je l’oublie.
Avec Britannicus je me reconcilie,
Et quant à cét amour qui nous a ſeparez,
Je vous fais noſtre arbitre, & vous nous jugerez.