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LES FRERES ENNEMIS.

Quand on tient ſi fort à l’amour !

Oüy tu retiens, Amour, mon ame fugitive,
Je reconnoy la voix de mon Vainqueur,
L’eſperance eſt morte en mon cœur
Et cependant tu vis, & tu veux que je vive.
Tu dis que mon Amant me ſuivroit au tombeau,
Que je dois de mes jours conſerver le flambeau,
Pour ſauver ce que j’aime.
Hemon voy le pouvoir que l’amour a ſur moy,
Je ne vivrois pas pour moy-meſme,
Et je veux bien vivre pour toy.

Si jamais tu doutas de ma flamme fidelle…
Mais voicy du combat la funeſte nouvelle.



SCENE II.

ANTIGONE, OLYMPE.


ANTIGONE.


HE bien, ma chere Olympe, as-tu veû ce forfait ?

OLYMPE.

J’y ſuis couruë en vain, c’en eſtoit déja fait.
Du haut de nos rempars j’ai veu deſcendre en larmes
Le peuple qui couroit & qui crioit aux armes,
Et pour vous dire enfin, d’où venoit ſa terreur,
Le Roy n’eſt plus, Madame, & ſon Frere eſt vainqueur.
On parle auſſi d’Hemon, l’on dit que ſon courage,
S’eſt efforcé long-temps de ſuſpendre leur rage,