Page:Racine - Abrégé de l’histoire de Port-Royal, éd. Gazier, 2e éd.djvu/121

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qui avait traité d’hérétiques ces propositions. Un des ministres du roi, qui lut cet écrit, charmé de la force de ses raisonnements, proposa de le faire imprimer au Louvre ; mais la jalousie des ennemis de M. Arnauld l’emporta et sur la fidélité du ministre et sur l’intérêt du roi même. Voilà quel était cet homme qu’on a toujours dépeint comme si dangereux pour l’État, et contre lequel les jésuites, peu de temps avant sa mort, firent imprimer un livre avec cet infâme titre : Antoine Arnauld fugitif pour se dérober à la justice du roi.

Je ne saurais mieux finir cette longue digression que par les propres paroles que le cardinal de Retz dit à quelques-uns de ses plus intimes amis, qui, en lui parlant de ses aventures passées, lui demandaient si en effet, en ce temps-là, il avait reçu quelques secours de la cabale des jansénistes. « Je me connais, leur répondit-il, en cabale, et pour mon malheur je ne m’en suis que trop mêlé. J’avais autrefois quelque habitude avec les gens dont vous parlez, et je voulus les sonder pour voir si je les pourrais mettre à quelque usage. Mais vous pouvez vous en fier à ma parole, je ne vis jamais des gens qui, par inclination et par incapacité, fussent plus éloignés de tout ce qui s’appelle cabale. » Ce même cardinal leur avoua aussi qu’il avait auprès de lui, pendant sa disgrâce, deux théologiens réputés jansénistes, qui ne purent jamais souffrir que, dans l’extrême besoin où il était,