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toujours que le temps de la souffrance était arrivé. En effet, elle apprit dans la semaine de Pâques les résolutions qui avaient été prises contre ce monastère. Malgré ses grandes infirmités et l’amour qu’elle avait pour son désert, elle manda à la Mère abbesse que si l’on jugeait à Paris sa présence nécessaire dans une conjoncture si importante, elle s’y ferait porter, et le fit en effet, sur ce qu’on lui écrivit qu’il était à propos qu’elle vînt. Elle apprit en chemin que ce jour-là même le lieutenant civil était venu dans la maison de Paris, et les ordres qu’il y avait apportés. Elle se mit aussitôt à réciter le Te Deum avec les sœurs qui l’accompagnaient dans le carrosse, leur disant qu’il fallait remercier Dieu de tout et en tout temps. Elle arriva avec cette tranquillité dans la maison ; et comme elle vit des religieuses qui pleuraient : « Quoi ! dit-elle, mes filles, je pense qu’on pleure ici ! Et où est votre foi ? » Cette grande fermeté néanmoins n’empêcha pas que les jours suivants ses entrailles ne fussent émues lorsqu’elle vit sortir toutes ces pauvres filles qu’on venait enlever les unes après les autres, et qui, comme d’innocents agneaux, perçaient le ciel de leurs cris en venant prendre congé d’elle, et lui demander sa bénédiction. Il y en eut trois, entre autres, pour qui elle se sentit particulièrement attendrir : c’étaient Mlles de Luynes et Mlle de Bagnols. Elle les avait élevées toutes trois presque au sortir du ber-