été dangereux pour nous de demeurer plus longtemps dans notre abondance, et si Dieu ne nous eût abaissées, nous serions peut-être tombées. Les hommes ne savent pas pourquoi ils font les choses ; mais Dieu, qui se sert d’eux, sait ce qu’il nous faut. »
Mais tous ces sentiments dont son cœur était si rempli paraîtront mieux encore dans une lettre qu’elle écrivit alors à un des amis de la maison, très vivement touché de tout ce qui se passait[1]. Voici cette lettre :
« Enfin, Monsieur, Dieu nous a dépouillées de pères, de sœurs et d’enfants. Son saint nom soit béni ! La douleur est céans, mais la paix y est aussi dans une soumission entière a sa divine volonté. Nous sommes persuadées que cette visite est une grande miséricorde de Dieu sur nous, et qu’elle nous était absolument nécessaire pour nous purifier et nous disposer à faire un saint usage de ses grâces, que nous avons reçues avec tant d’abondance. Car, croyez-moi, si Dieu daigne avoir sur nous de plus grands desseins de miséricorde, la persécution ira plus avant. Humilions-nous de tout notre cœur pour nous rendre dignes
- ↑ Cet ami était M. de Sévigné. La lettre de la Mère Angélique est imprimée au tome III de l’édition de 1742-1744 ; c’est la lettre 1038. Il y a entre le texte de Racine et celui de l’imprimé des différences assez considérables. Voici par exemple la première phrase : « Enfin le bon Dieu nous a dépouillées de tout, de pères, de sœurs et d’enfants. »