Page:Racine - Abrégé de l’histoire de Port-Royal, éd. Gazier, 2e éd.djvu/46

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et avec la sincérité qui lui était naturelle, il ne put s’empêcher de lui toucher quelque chose de la résidence et de l’obligation où il était de ne pas faire de si longs séjours hors de son diocèse.

L’évêque était de ces gens qui, bien qu’au fond ils aient de la piété, n’entendent pas volontiers des vérités qu’ils ne se sentent pas disposés à pratiquer. Cela commença un peu à le refroidir pour l’abbé de Saint-Cyran. Bientôt après il crut s’apercevoir que les filles du Saint-Sacrement n’avaient point pour ses avis la même déférence qu’elles avaient pour cet abbé. Sa mauvaise humeur était encore fomentée par une certaine dame, sa pénitente, qu’il avait fait entrer au Saint-Sacrement, et dont il faisait lui seul un cas merveilleux[1]. En un mot, ayant, comme j’ai dit, l’esprit fort faible, il entra contre l’abbé dans une si furieuse jalousie qu’il ne le pouvait plus souffrir. M. de Saint-Cyran fit d’abord ce qu’il put pour le guérir de ses défiances ; et même, voyant que ce prélat s’aigrissait de plus en plus, il cessa d’aller au monastère du Saint-Sacrement. Mais cette discrétion ne servit qu’à irriter cet esprit malade, honteux qu’on se fût aperçu de sa faiblesse, tellement qu’il vint à se dégoûter de son institut. Non content de rompre avec ces filles, il se ligua avec les ennemis de l’abbé, et, ce qu’on aura

  1. La sœur Anne de Jésus (de Chamesson).