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Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/85

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Grace aux preventions de ſon eſprit jaloux,
Nos plus grands ennemis ont combattu pour nous.
Je m’en fie aux tranſports qu’elle m’a foit paraiſtre.
Je m’en fie à Burrhus. J’en croy même ſon Maiſtre.
Je croy, qu’à mon exemple impuiſſant à trahir
Il hait à cœur ouvert, ou ceſſe de haïr.

JUNIE.
Seigneur, ne jugez pas de ſon cœur par le voſtre.

Sur des pas differens vous marchez l’un & l’autre.
Je ne connoy Neron & la Cour que d’un jour.
Mais (ſi je l’oſe dire,) helas ! dans cette Cour
Combien tout ce qu’on dit eſt loin de ce qu’on pẽſe !
Que la bouche & le cœur ſont peu d’intelligence !
Avec combien de joye on y trahit ſa foy !
Quel ſéjour eſtranger & pour vous & pour moy !

BRITANNICUS.
Mais que ſon amitié ſoit veritable ou feinte,

Si vous craignez Neron, luy-même eſt-il ſãs crainte ?
Non, non, il n’ira point par un lâche attentat
Soûlever contre-luy le Peuple & le Senat.
Que dis-je ? Il reconnoiſt ſa derniere injuſtice.
Ses remords ont paru même aux yeux de Narciſſe.
Ah s’il vous avoit dit, ma Princeſſe, à quel point…

JUNIE.
Mais Narciſſe, Seigneur, ne vous trahit-il point ?
BRITANNICUS.
Luy me trahir ? Hé quoy vous voulez dõc, Madame,

Qu’à d’éternels ſoupçons j’abandonne mon ame ?
Seul de tous mes Amis Narciſſe m’eſt reſté.
L’a-t-on veu de mon Pere oublier la bonté ?
S’eſt-il rendu, Madame, indigne de la mienne ?
Neron de temps en temps ſouffre qu’il l’entretiẽne,
Je le ſçay. Mais il peut, ſans violer ſa foy,
Tenir lieu d’Interprete entre Neron & moy.