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Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/86

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Et pourquoy voulez-vous que mon cœur s’en défie ?

JUNIE.
Et que ſçay-je ? Il y va, Seigneur, de voſtre vie.

Tout m’eſt ſuſpect. Je crains que tout ne ſoit ſeduit.
Je crains Neron. Je crains le mal-heur qui me ſuit.
D’un noir preſſentiment malgré moy prevenuë,
Je vous laiſſe à regret éloigner de ma veuë.
Helas ! Si cette paix, dont vous vous repaiſſez,
Couvroit contre vos jours quelques pieges dreſſez !
Si Neron irrité de noſtre intelligence
Avoit choiſi la nuit pour cacher ſa vengeance !
S’il preparoit ſes coups tandis que je vous vois !
Et ſi je vous parlois pour la derniere fois !
Ah Prince !

BRITANNICUS.
Ah Prince ! Vous pleurez ! Ah ma chere Princeſſe !

Et pour moy juſques la voſtre cœur s’intereſſe ?
Quoy Madame, en un jour, où plein de ſa grandeur
Neron croit ébloüir vos yeux de ſa ſplendeur,
Dans des lieux où chacun me fuit & le revere,
Aux pompes de ſa Cour preferer ma miſere !
Quoy dans ce même jour, & dans ces mêmes lieux,
Refuſer un Empire & pleurer à mes yeux !
Mais, Madame, arreſtez ces pretieuſes larmes ;
Mon retour va bien-toſt diſſiper vos alarmes.
Je me rendrois ſuſpect par un plus long ſéjour.
Adieu, je vais le cœur tout plein de mon amour
Au milieu des tranſports d’une aveugle Jeuneſſe,
Ne voir, n’entretenir que ma belle Princeſſe.
Adieu.

JUNIE.
Adieu. Prince…