Page:Racine - Les Plaideurs, Barbin, 1669.djvu/16

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Tout Picard que i’eſtois, i’eſtois un bon Apoſtre,
Et je faiſois claquer mon foüet tout comme vn autre.
Tous les plus gros Mõſieurs me parloiẽt chapeau bas,
Monſieur de Petit Iean ! ah, gros comme le bras.
Mais ſans argent l’honneur n’eſt qu’vne maladie ;
Ma foy, i’eſtois un franc Portier de Comedie.
On auoit beau heurter & m’oſter ſon chapeau,
On n’entroit point chez nous ſans graiſſer le marteau.
Point d’argẽt, point de Suiſſe, & ma porte eſtoit cloſe.
Il eſt vray qu’à Monſieur i’en rendois quelque choſe,
Nous contions quelquefois. On me donnoit le ſoin
De fournir la maiſon de chandelle & de foin,
Mais ie n’y perdois rien. Enfin, vaille que vaille,
I’aurois ſur le marché fort bien fourny la paille.
C’eſt dommage. Il auoit le cœur trop au meſtier,
Tous les jours le premier aux Plaids, & le dernier,
Et bien ſouuent tout ſeul ; ſi l’on l’euſt voulu croire,
Il y ſeroit couché ſans manger & ſans boire.
Ie luy diſois parfois ; Monſieur Perrin Dandin,
Tout franc, vous vous leuez tous les jours trop matin.
Qui veut voyager loin ménage ſa monture ;
Beuuez, mangez, dormez, & faiſons feu qui dure.
Il n’en a tenu conte. Il a ſi bien veillé,
Et ſi bien fait, qu’on dit que ſon timbre eſt broüillé.
Il nous veut tous juger les vns apres les autres.
Il marmote toûjours certaines Patenoſtres
Où je ne comprens rien. Il veut, bongré, malgré,
Ne ſe coucher qu’en Robbe & qu’en Bonnet carré.
Il fit couper la teſte à ſon coq, de colere,
Pour l’auoir éveillé plus tard qu’à l’ordinaire :
Il diſoit qu’vn Plaideur dont l’affaire alloit mal
Avait graiſſé la patte à ce pauure animal.
Depuis ce bel Arreſt, le pauure homme a beau faire,
Son Fils ne ſouffre plus qu’on luy parle d’affaire,