Du repos ? Ah ! ſur toi tu veux régler ton père ?
Crois-tu qu’un juge n’ait qu’à faire bonne chère,
Qu’à battre le pavé comme un tas de galants,
Courir le bal la nuit, & le jour les brelans ?
L’argent ne nous vient pas ſi vite que l’on penſe.
Chacun de tes rubans me coûte une ſentence.
Ma robe vous fait honte : un fils de juge ! Ah ! fi !
Tu fais le gentilhomme. Hé ! Dandin, mon ami,
Regarde dans ma chambre & dans ma garde-robe
Les portraits des Dandins : tous ont porté la robe ;
Et c’eſt le bon parti. Compare prix pour prix
Les étrennes d’un juge à celles d’un marquis :
Attends que nous ſoyons à la fin de décembre.
Qu’eſt-ce qu’un gentilhomme ? Un pilier d’antichambre.
Combien en as-tu vu, je dis des plus huppés,
À ſouffler dans leurs doigts dans ma cour occupés,
Le manteau ſur le nez, ou la main dans la poche ;
Enfin pour ſe chauffer, venir tourner ma broche !
Voilà comme on les traite. Hé ! mon pauvre garçon,
De ta défunte mère, eſt-ce là la leçon ?
La pauvre Babonnette ! Hélas ! lorſque j’y penſe,
Elle ne manquait pas une ſeule audience !
Jamais, au grand jamais, elle ne me quitta.
Et Dieu ſait ſi ſouvent ce qu’elle en rapporta :
Elle eût du buvetier emporté les ſerviettes,
Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes.
Et voilà comme on fait les bonnes maiſons. Va,
Tu ne ſeras qu’un ſot.
Page:Racine - Les Plaideurs, Barbin, 1669.djvu/24
Cette page n’a pas encore été corrigée
DANDIN