Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/104

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CÉPHISE.

Madame, qui vous presse ? Il suffit que sa vue
Désormais à vos yeux ne soit plus défendue.
Vous lui pourrez bientôt prodiguer vos bontés,
Et vos embrassements ne seront plus comptés.
Quel plaisir d’élever un enfant qu’on voit craître[1].
Non plus comme un esclave élevé pour son maître,
Mais pour voir avec lui renaître tant de rois[2] !

ANDROMAQUE.

Céphise, allons le voir pour la dernière fois.

CÉPHISE.

Que dites-vous ? ô Dieux !

ANDROMAQUE.

Que dites-vous ? ô Dieux ! Ô ma chère Céphise,
Ce n’est point avec toi que mon cœur se déguise.
Ta foi, dans mon malheur, s’est montrée à mes yeux ;

  1. Craître, au lieu de croître, pour rimer aux yeux. Avec l’une ou l’autre façon d’écrire, la prononciation était la même, et c’était craître, comme paraître.
  2. Souvenir du langage que tient Hécube à Andromaque dans les Troyennes d’Euripide (707-713) :

    τίμα δὲ τὸν παρόντα δεσπότην σέθεν,…
    ϰἄν δρᾷς τάδε,…
     … παῖδα τόνδε παιδὸς ἐϰθρεψείας ἂν
    Τροίᾳ μέγιστον ὠφέλημ’ ἵν’ οἵ ποτε
    ἐϰ σοῦ γενόμενοι παῖδες Ἴλιον πάλιν
    ϰατοιϰίσειαν ϰαὶ πόλις γένοιτ’ ἔτι..


    « Respecte ton maître ; et si tu le fais…, tu pourras élever cet enfant, le fils de mon fils, pour être l’appui, le sauveur de Troie : et un jour la postérité issue de lui peut-être rétablira Ilion, et notre ville renaîtra. »