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HERMIONE.

Il est mort ?

ORESTE.

Il est mort ? Il expire ; et nos Grecs irrités
Ont lavé dans son sang ses infidélités.
Je vous l’avois promis ; et quoique mon courage
Se fît de ce complot une funeste image,
J’ai couru vers le temple, où nos Grecs dispersés
Se sont jusqu’à l’autel dans la foule glissés.
Pyrrhus m’a reconnu. Mais sans changer de face,
Il sembloit que ma vue excitât son audace,
Que tous les Grecs, bravés en leur ambassadeur,
Dussent de son hymen relever la splendeur.
Enfin avec transport prenant son diadème,
Sur le front d’Andromaque il l’a posé lui-même.
« Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi :
Andromaque, régnez sur l’Épire et sur moi.

    Var.

    Madame, c’en est fait. Partons en diligence.
    Venez dans mes vaisseaux goûter votre vengeance.
    Voyez cette captive : elle peut mieux que moi
    Vous apprendre qu’Oreste a dégagé sa foi.
    HERMIONE.
    Ô Dieux ! c’est Andromaque ?
    ANDROMAQUE.
    Ô Dieux ! c’est Andromaque ? Oui, c’est cette princesse
    Deux fois veuve, et deux fois l’esclave de la Grèce,
    Mais qui jusque dans Sparte ira vous braver tous,
    Puisqu’elle voit son fils à couvert de vos coups.
    Du crime de Pyrrhus complice manifeste,
    J’attends son châtiment. Car je vois bien qu’Oreste,
    Engagé par votre ordre à cet assassinat,
    Vient de ce triste exploit vous céder tout l’éclat.
    Je ne m’attendois pas que le ciel en colère
    Pût, sans perdre mon fils, accroître ma misère.