Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/376

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De son appartement cette porte est prochaine,
Et cette autre conduit dans celui de la Reine.
Va chez elle : dis-lui qu’importun à regret
10J’ose lui demander un entretien secret.

ARSACE.

Vous, Seigneur, importun ? vous, cet ami fidèle
Qu’un soin si généreux intéresse pour elle ?
Vous, cet Antiochus son amant autrefois ?
Vous, que l’Orient compte entre ses plus grands rois ?
15Quoi ? déjà de Titus épouse en espérance[1],
Ce rang entre elle et vous met-il tant de distance ?

ANTIOCHUS.

Va, dis-je ; et sans vouloir te charger d’autres soins,
Vois si je puis bientôt lui parler sans témoins.


Scène II

ANTIOCHUS, seul.

Hé bien ! Antiochus, es-tu toujours le même ?
20Pourrai-je, sans trembler, lui dire : « Je vous aime » ?
Mais quoi ? déjà je tremble, et mon cœur agité
Craint autant ce moment que je l’ai souhaité.
Bérénice autrefois m’ôta toute espérance ;
Elle m’imposa même un éternel silence.
25Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour
D’un voile d’amitié j’ai couvert mon amour.
Dois-je croire qu’au rang où Titus la destine
Elle m’écoute mieux que dans la Palestine ?
Il l’épouse. Ai-je donc attendu ce moment
30Pour me venir encor déclarer son amant ?

  1. Var. Quoi ? Déjà de Titus l’épouse en espérance. (Éd. 1691-1687.)