Que son fils me la dût renvoyer désarmée.
J’allois voir le succès[1] de ses embrassements :
Je n’ai trouvé que pleurs mêlés d’emportements.
Sa misère l’aigrit ; et toujours plus farouche,
Cent fois le nom d’Hector est sorti de sa bouche.
Vainement à son fils j’assurois mon secours :
« C’est Hector, disoit-elle en l’embrassant toujours ;
Voilà ses yeux, sa bouche, et déjà son audace[2] ;
C’est lui-même, c’est toi, cher époux, que j’embrasse. »
Et quelle est sa pensée ? Attend-elle[3] en ce jour
Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ?
Sans doute. C’est le prix que vous gardoit l’ingrate.
Mais laissez-la, Seigneur.
[4].
Sa beauté la rassure ; et malgré mon courroux,
L’orgueilleuse m’attend encore à ses genoux.
Je la verrois aux miens, Phœnix, d’un œil tranquille.
Elle est veuve d’Hector, et je suis fils d’Achille ;
Trop de haine sépare Andromaque et Pyrrhus.
Commencez donc, Seigneur, à ne m’en parler plus[5].
- ↑ Succès : résultat, bon ou mauvais. Sens commun du mot.
- ↑ Sic oculos, sic ille manus, sic ora ferebat. (Virg. En., III, 490.)
« Voilà ses yeux, voilà ses mains, voilà sa bouche. »
Ce vers avait été délayé en quatre vers par Sénèque (462-466).
- ↑ Attend-elle : espère-t-elle, s’attend-elle…
- ↑ Flatte : ce qui lui donne des illusions, la fait espérer.
- ↑ Et malim taceas, quam te desisse loquaris.
Qui nimium multis : « Non amo », dicit, amat.
(Ovide, Rem. Am., 647-8.)
« Tu ferais mieux de te taire que de dire que tu n’aimes plus. Celui qui sans cesse répète : « Je n’aime plus », aime encore. »