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Scène VII

PYRRHUS, ANDROMAQUE, CÉPHISE.
PYRRHUS, continue.

Va m’attendre, Phœnix. Madame, demeurez.
On peut vous rendre encor ce fils que vous pleurez.
Oui, je sens à regret qu’en excitant vos larmes
Je ne fais contre moi que vous donner des armes.
Je croyois apporter plus de haine en ces lieux.
Mais, Madame, du moins tournez vers moi les yeux :
Voyez si mes regards sont d’un juge sévère,
S’ils sont d’un ennemi qui cherche à vous déplaire.
Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir ?
Au nom de votre fils, cessons de nous haïr.
À le sauver enfin c’est moi qui vous convie.
Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie ?
Faut-il qu’en sa faveur j’embrasse vos genoux ?
Pour la dernière fois, sauvez-le, sauvez-vous.
Je sais de quels serments je romps pour vous les chaînes,
Combien je vais sur moi faire éclater de haines.
Je renvoie Hermione, et je mets sur son front.
Au lieu de ma couronne, un éternel affront.
Je vous conduis au temple où son hymen s’apprête ;
Je vous ceins du bandeau préparé pour sa tête.
Mais ce n’est plus, Madame, une offre à dédaigner ;
Je vous le dis, il faut ou périr ou régner .
Mon cœur, désespéré d’un an d’ingratitude.
Ne peut plus de son sort souffrir l’incertitude.
C’est craindre, menacer et gémir trop longtemps.