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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/120

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8o ALEXANDRE,

Mais je pcnfe , Seigneur , qu'en rompant mes liens , Alexandre , à fon tour , brifa bientôt les liens.

EPHESTION.

Ah î fi vous Paviex vu brûlant d'impatience.

Compter les triftcs jours d'une fi longue abfence ,

Vous fauiicz que l'amour précipitant ùs pas ,

Il ne ciîcrchoit que vous en courant aux combats.

C'c^ft pour vous qu'on l'a vu , vainqueur de tant de princes,

D'un cours impétueux traverfer vos provinces ,

Et brifcr , en palFant , fous l'eftbrt de Ces coups ,

Tout ce qui l'empêchoit de s'approcher de vous.

On voit en même champ vos drapeaux èc les nôtres j

De Ces retranchemens il découvre les vôtre»;

Mais, après tant d'exploits, ce timide vainqueur

Craint qu'il ne foit encor bien loin de votre cœur.

Que lui fcrt de courir de contrée en contrée ,

S'il faut que de ce cœur vous lui fermiez l'entrée?

Si , pour ne point répondre à de fincèrcs vœux ,

Vous cherchez chaque jour à douter de Ces feux}

Si votre efprit armé de mille défiances ....

C L É O F I L E.

Hélas , de tels foupçons font de foibles défcnfes !

Et nos cœurs , fe formant mille foins fuperflus ,

Doutent toujours du bien qu'ils fouhaitent le plus.

Oui, puifque<e Héros veut que j'ouvre mon ame ,

J'écoute avec plaifir le récit de fa flamme ;

Je craignois que le temps n'en eût borné le cours ;

Je fouhaite qu'il m'aime, & qu'il m'aime toujour?.

Je dis plus. ()uand fon bras força notre frontière.

Et dans les mu: s d'Omphis m'arrêta prifonnière ,

Mon cœur , qui le voyoit maître de l'I^nivers ,

Se confoloit déjà de languir dans Ces fers ;

Et, loin de murmurer contre un deftin fi rude

Il s'en fit , je l'avoue , une douce habitude ;

Et de fa liberté perdant le fouvenir ,

Même , en la demandant, craignoit de l'obtenir.

Jugez Cl fon retour me doit combler de joie.

Mais , tout couvert de fang, veut-il que je le voie î

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