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PRÉFACE

Titus reginam Berenicen, cui etiam nuptias pollicitus ferebatur, ſtatim ab urbe dimiſit invitus invitam.

C’eſt-à-dire que Titus, qui aimoit paſſionnément Bérénice, & qui même, à ce qu’on croyoit, lui avoit promis de l’épouſer, la renvoya de Rome, malgré lui, & malgré elle, dès les premiers jours de ſon Empire. Cette action eſt très-fameuſe dans l’hiſtoire ; & je l’ai trouvée très-propre pour le théâtre, par la violence des paſſions qu’elle y pouvait exciter. En effet, nous n’avons rien de plus touchant dans tous les Poëtes, que la ſéparation d’Énée & de Didon, dans Virgile. Et qui doute que ce qui a pû fournir aſſez de matière pour tout un chant d’un Poëme Héroïque, où l’action dure pluſieurs jours, ne puiſſe ſuffire pour le ſujet d’une Tragédie, dont la durée ne doit être que de quelques heures ? Il eſt vrai que je n’ai point pouſſé Bérénice jusqu’à ſe tuer comme Didon ; parce que Bérénice n’ayant pas ici avec Titus les derniers engagemens que Didon avoit avec Énée, elle n’eſt pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. À cela près, le dernier adieu qu’elle dit à Titus, & l’effort qu’elle ſe fait pour s’en ſéparer, n’eſt pas le moins tragique de la pièce ; et j’oſe dire qu’il renouvelle aſſez bien, dans le cœur des ſpectateurs l’émotion que le reſte y avoit pû exciter. Ce n’eſt point une néceſſité qu’il y ait du ſang &