TRAGÉDIE.. ï$9
Et cet aveu honteux , où vous m'avez forcée ,
Demeurera toujours préfent à ma penfée.
Toujours je vous croirois incertain de ma foi.
Et le tombeau, Seigneur, eft moins trille pour moi.
Que le lit d'un époux , qui m'a fait cet outrage ,
Qui s'eft acquis fur moi ce cruel avantage ;
Et qui , me préparant un éternel ennui ,
M'a fait rougir d'un feu , qui n'étoit pas pour lui.
MiTHRIDATE.
C'eft donc votre réponfe. Et, fans plus me complaire, Vous refufez l'honneur que je voulois vous faire ? Penfez-y bien. J'attends pour me déterminer.
M O N I M E.
Non , Seigneur , vainem.ent vous croyez m'étonncr.
Je vous connois. Je fais tout ce que je m'apprête ;
Et je vois quels malheurs j'aflemble fur ma tête.
Mais le deflein eft pris. Rien ne peut m'ébranler.
Jugez-en , puifqu'ainfi je vous ofe parler j
Et m'emporte au dc-là de cette modeftie ,
Dont , jufqu'à ce moment , je n'étois point fortîc.
Vous vous êtes fervi de ma funefte main ,
Pour mettre à votre fils un poignard dans le fein.
De fis feux innoccns j'ai trahi le myftère j
Et quand il n'en perdroit que l'amour de fon père.
Il en mourra, Seigneur. Ma foi , ni mon amour
Ne feront point le prix d'un fi cruel détour.
Après cela jugez. Perdez une rebelle.
Armez-vous du pouvoir qu'on vous donna fur elle.
J'attendrai mon arrêt , vous pouvez commander.
Tout ce qu'en vous quittant j'ofe vous demander.
Croyez ( à la vertu je dois cette juftice )
Que je vous trahis feule, & n'ai point de complice;
Et que , d'un plein fuccès , vos voeux feroient fuivis,
Si j'en croyois, Seigneur, les vœux de voue fils.
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