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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/21

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Viens-je vous demander que vous quittiez l’empire,
Que vous m’aimiez ? Hélas ! Je ne viens que vous dire
Qu’après m’être long-temps flatté que mon rival
Trouveroit à ſes vœux quelque obſtacle fatal,
Aujourd’hui qu’il peut tout, que votre hymen s’avance,
Exemple infortuné d’une longue conſtance,
Après cinq ans d’amour et d’eſpoir ſuperflus,
Je pars, fidèle encore, quand je n’eſpère plus.
Au lieu de s’offenſer, elle pourra me plaindre.
Quoi qu’il en ſoit, parlons, c’eſt aſſez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas ! un amant ſans eſpoir,
Qui peut bien se réſoudre à ne la jamais voir ?


Scène III.

ANTIOCHUS, ARSACE.
Antiochus

Arsace, entrerons-nous ?

Arsace.

Arsace, entrerons-nous ? Seigneur, j’ai vû la reine ;
Mais, pour me faire voir, je n’ai percé qu’à peine
Les flots toujours nouveaux d’un peuple adorateur,
Qu’attire ſur ſes pas ſa prochaine grandeur.
Titus, après huit jours d’une retraite auſtère,
Ceſſe enfin de pleurer Veſpaſien ſon père.
Cet amant ſe redonne aux ſoins de ſon amour ;
Et ſi j’en crois, Seigneur, l’entretien de la cour,
Peut-être avant la nuit l’heureuſe Bérénice
Change le nom de reine au nom d’impératrice.

Antiochus

Hélas !

Arsace.

Hélas ! Quoi ? ce diſcours pourrait-il vous troubler ?

Antiochus

Ainſi donc, ſans témoins, je ne lui puis parler ?