Vous la verrez, Seigneur : Bérénice eſt inſtruite
Que vous voulez ici la voir ſeule, & ſans ſuite.
La reine, d’un regard, a daigné m’avertir
Qu’à votre empreſſement elle allait conſentir,
Et, ſans doute elle attend le moment favorable
Pour diſparaître aux yeux d’une cour qui l’accable.
Il ſuffit. Cependant n’as-tu rien négligé
Des ordres importans dont je t’avais chargé ?
Seigneur, vous connaiſſez ma prompte obéiſſance.
Des vaiſſeaux dans Oſtie armés en diligence,
Prêts à quitter le port de momens en momens,
N’attendent, pour partir, que vos commandemens.
Mais qui renvoyez-vous dans votre Comagène ?
Arſace, il faut partir quand j’aurai vû la reine.
Qui doit partir ?
Moi.
Vous ?
Je ſors de Rome, Arſace, et j’en ſors pour jamais.
Je ſuis ſurpris ſans doute, & c’eſt avec juſtice.
Quoi, depuis ſi long-temps la reine Bérénice
Vous arrache, Seigneur, du ſein de vos états,
Depuis trois ans dans Rome elle arrête vos pas ;
Et lorſque cette reine, aſſurant ſa conquête,
Vous attend pour témoin de cette illuſtre fête,
Quand l’amoureux Titus, devenant ſon époux,
Lui prépare un éclat qui rejaillit sur vous…
Arſace, laiſſe-la jouir de ſa fortune,
Et quitte un entretien dont le cours m’importune.