Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/22

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Arsace.

Vous la verrez, Seigneur : Bérénice eſt inſtruite
Que vous voulez ici la voir ſeule, & ſans ſuite.
La reine, d’un regard, a daigné m’avertir
Qu’à votre empreſſement elle allait conſentir,
Et, ſans doute elle attend le moment favorable
Pour diſparaître aux yeux d’une cour qui l’accable.

Antiochus

Il ſuffit. Cependant n’as-tu rien négligé
Des ordres importans dont je t’avais chargé ?

Arsace.

Seigneur, vous connaiſſez ma prompte obéiſſance.
Des vaiſſeaux dans Oſtie armés en diligence,
Prêts à quitter le port de momens en momens,
N’attendent, pour partir, que vos commandemens.
Mais qui renvoyez-vous dans votre Comagène ?

Antiochus

Arſace, il faut partir quand j’aurai vû la reine.

Arsace.

Qui doit partir ?

Antiochus

Qui doit partir ?Moi.

Arsace.

Qui doit partir ? Moi.Vous ?

Antiochus

Qui doit partir ? Moi. Vous ?En ſortant du palais,
Je ſors de Rome, Arſace, et j’en ſors pour jamais.

Arsace.

Je ſuis ſurpris ſans doute, & c’eſt avec juſtice.
Quoi, depuis ſi long-temps la reine Bérénice
Vous arrache, Seigneur, du ſein de vos états,
Depuis trois ans dans Rome elle arrête vos pas ;
Et lorſque cette reine, aſſurant ſa conquête,
Vous attend pour témoin de cette illuſtre fête,
Quand l’amoureux Titus, devenant ſon époux,
Lui prépare un éclat qui rejaillit sur vous…

Antiochus

Arſace, laiſſe-la jouir de ſa fortune,
Et quitte un entretien dont le cours m’importune.