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TRAGÉDIE, 3n

Un eflfiroyablc cri, forti du fond des flots ;

Des airs , en ce moment, a troublé le repos ;

Et du fein de la terre une voix formidable

Répond , en gémiflant , à ce cri redoutable.

Jufqu'au fond de nos cœurs notre fang s'eft glacé.

Des courfîers attentifs le crin s'eft hérifle.

Cependant, fur le dos de la plaine liquide ,

S'élève à gros bouillons une montagne humide.

Uonde approche , fe brife, & vomit à nos yeux ,

Parmi des flots d'écume , un monftre furieux.

Son front large eft armé de cornes menaçantes ;

Tout fon corps eft couvert d'écaillés jauniflantes.

Indomptable taureau , dragon impétueux ,

Sa croupe fe recourbe en replis tortueux j

Ses longs mugiflemens font trembler le rivage.

Le ciel avec horreur voit ce monftre fauvagc.

La terre s'en émeut , l'air en eft infedré ,

Le flot , qui l'apporta, recule épouvanté.

Tout fuit ; & fans s'armer d'un courage inutile ,

Dans le temple voifin chacun cherche un afyle.

Hippolytc lui fcul , digne fils d'un héros ,

Arrête les courfiers , faifit fes javelots ,

PoufTeau monftre, &:, d'un dard lancé d'une main fûre,

Il lui fait dans le flanc une large bleflure.

De rage & de douleur le monftre bondiflant

Vient aux pieds des chevaux tomber en mugiffant ,

Se roule, & leur préfente un gueule enflammée ,

Qui les couvre de feu , de fang , & de fumée.

La frayeur Iss emporte 5 de , fourds à cette fois ,

Ils ne connoiffent plus ni le frein , ni la voix. « 

En efforts impuiflans leur maître fe confumc.

Ils rougiflcnt le mords d'une fanglante écume.

On dit qu'on a vu même , en ce défordre affreux ,

Un dieu , qui d'aiguillons preflbit leur flanc poudicux.

A travers les rochers la peur les précipite.

L'cflicu crie & fc rompt. L'intrépide Hippolytc

Voit voler en éclats tout fon char fracaflc.

Dans les rênes lui-même il tombe embatrairé.

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