Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/42

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N’est-ce point que de Rome il redoute la haine ?
Il craint peut-être, il craint d’épouſer une reine.
Hélas, s’il étoit vrai… Mais non, il a, cent fois,
Raſſuré mon amour contre leurs dures loix.
Cent fois… Ah ! Qu’il m’explique un ſilence ſi rude.
Je ne reſpire pas dans cette incertitude.
Moi, je vivrois, Phénice, & je pourrois penſer
Qu’il me néglige, ou bien que j’ai pu l’offenſer ?
Retournons ſur ſes pas. Mais, quand je m’examine,
Je crois de ce déſordre entrevoir l’origine,
Phénice ; il aura ſû tout ce qui s’eſt paſſé :
L’amour d’Antiochus l’a peut-être offenſé.
Il attend, m’a-t-on dit, le roi de Comagène.
Ne cherchons point ailleurs le ſujet de ma peine.
Sans doute, ce chagrin, qui vient de m’allarmer
N’eſt qu’un léger ſoupçon facile à déſarmer.
Je ne te vante point cette foible victoire,
Titus. Ah, plût au Ciel, que, ſans bleſſer ta gloire,
Un rival plus puiſſant voulût tenter ma foi,
Et pût mettre à mes pieds plus d’empires que toi ;
Que de ſceptres ſans nombre il pût payer ma flamme ;
Que ton amour n’eût rien à donner que ton ame !
C’eſt alors, cher Titus, qu’aimé, victorieux,
Tu verrais de quel prix ton cœur eſt à mes yeux.
Allons, Phénice, un mot pourra le ſatisfaire.
Raſſurons-nous, mon cœur, je puis encor lui plaire.
Je me comptois trop tôt au rang des malheureux.
Si Titus eſt jaloux, Titus eſt amoureux.


Fin du ſecond Acte.