Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/63

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Je sais que, ſans pitié vous n’avez pu l’entendre ;
Moi-même, en la voyant, je n’ai pu m’en défendre.
Mais regardez plus loin. Songez, en ce malheur,
Quelle gloire va ſuivre un moment de douleur,
Quels applaudiſſements l’univers vous prépare,
Quel rang dans l’avenir.

Titus

Quel rang dans l’avenir. Non, je ſuis un barbare !
Moi-même je me hais. Néron, tant déteſté,
N’a point à cet excès pouſſé ſa cruauté.
Je ne ſouffrirai point que Bérénice expire.
Allons, Rome en dira ce qu’elle en voudra dire.

Paulin

Quoi, Seigneur !

Titus

Quoi, Seigneur ! Je ne ſais, Paulin, ce que je dis.
L’excès de la douleur accable mes eſprits.

Paulin

Ne troublez point le cours de votre renommée,
Seigneur. De vos adieux la nouvelle eſt ſemée.
Rome, qui gémiſſoit, triomphe avec raiſon.
Tous les temples ouverts fument en votre nom ;
Et le Peuple, élevant vos vertus juſqu’aux nues,
Va par-tout de lauriers couronner vos ſtatues.

Titus

Ah, Rome ! Ah, Bérénice ! Ah, prince malheureux !
Pourquoi ſuis-je empereur ? Pourquoi ſuis-je amoureux ?


Scène VII.

TITUS, ANTIOCHUS, PAULIN, ARSACE.
Antiochus

Qu’avez-vous fait, Seigneur ? L’aimable Bérénice
Va, peut-être, expirer dans les bras de Phénice.