ac4 ŒUVRES
n'avez-vous pu fouffiir que l'auteur des lettres ait dît en paflant que les pièces de théâtre font horribles, étant conjîdc'rées félon les principes de ta Religion Chrétienne 6* les règles de l'Evangile f II me femhle que la vérité & la politique dévoient vous obliger de fouffiir cela pa- tiemment. Car enfin , puifque tout le monde fait que l'efprit du chriftianifme n'agit que pour éteindre les paflions , & que l'efprit du théâtre ne travaille qu'à les allumer , quand il arrive que quelqu'un dit un peu rudement que ces deux efprits font contraires, ileft cer- tain que le meilleur pour les poètes , c'eft de ne point répondre , afin qu'on ne réplique pas , &: de ne point nier, afin qu'on ne prouve pas plus fortement ce qu'on avoit feulement propofé.
Eft-ce que vous croyez que l'auteur des lettres ne puifle prouver ce qu'il avance ? Pcnfez-vous que dans l'Evangile qui condamne jufqu'aux paroles oifivcs , il ne puiile trouver la condamnation de ces paroles en- flammées , de ces accens paflionnés , & de ces foupirs ardens qui font le ftyle de la comédie ? Et doutez-vous qu'il ne foit bien aifé de faire voir que le chriftianifme a de l'horreur pour le théâtre , puifque d'ailleurs le ihéâtre a tant d'horreur pour le chriftianifme ?
L'efprit de pénitence qui paroît dans l'Evangile, ne fait-il pas peur à ces efprits enjoués qyi aiment la co- médie ? Les vertus des Chrétiens ne font-ce pas les vices de vos héros ? Et pcurroit-on leur pardonner une pa- tience Se une humilité évangélique ? La Religion Chré- tienne, qui règle jufqu'aux défirs & aux penfées , ne condamne-t-elle pas ces vaftcs projets d'ambition, ces grands defTeins de vengeance , & toutes ces avantures d'amour, qui forment les plus belles idées des poètes ? Ne femblc-t-il pas aufli que l'on forte du chriftianifme, quand on entre à la comédie ? On n'y voit que la mo- rale des payens, & l'on n'y entend que le nom des faux dieux.
Je ne veux pas poufler ces raifons plus loin ; Se ce que j'en ai dit eft feulement pour vous faire connoître à
�� �
