Page:Radcliffe - L’Italien (trad. Fournier), 1864.djvu/69

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— Je laisse ces sentiments, madame, repartit Elena avec une révérence pleine de dignité, à ceux qui m’oppriment injustement.

Mais là se bornèrent ses récriminations, aussi inutiles qu’elles lui paraissaient au-dessous d’elle. Elle se soumit aux ordres de l’abbesse, résolue à tout souffrir sans se laisser abaisser.

Elle fut conduite à la chambre qu’elle devait habiter, par la religieuse qui l’avait reçue à son arrivée. C’était une cellule étroite qui n’avait qu’une petite fenêtre. Un matelas, une chaise, une table, avec un crucifix et un livre de prières, en composaient tout le mobilier. Elena ne put retenir ses larmes. Quel changement dans sa situation ! Il était bien évident maintenant que la famille Vivaldi s’opposait de toutes ses forces au projet du jeune comte et que la signora Bianchi était tombée dans une grande erreur, en supposant qu’on pourrait vaincre un jour la résistance du marquis et de la marquise. Cette découverte réveilla chez la jeune fille toute la fierté un moment assoupie par sa tendresse ; elle fut saisie d’un amer repentir à l’idée d’avoir pu consentir à une union clandestine. La conscience de son innocence, qui l’avait soutenue en présence de l’abbesse, commença dès lors à faiblir.

« Hélas ! se dit-elle, ils ne sont que trop justes, ses reproches ; et je mérite bien ce que je souffre, puisque je suis descendue, ne fût-ce qu’un instant, jusqu’à l’humiliation de désirer une alliance dont on ne m’a pas jugée digne ! Mais il est encore temps de recouvrer ma propre estime en renonçant à Vivaldi… Renoncer à lui ! à lui qui m’aime tant !