Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T1.djvu/98

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ment l’espèce humaine ; mais cette erreur elle-même faisoit l’éloge de son cœur.

Quand Saint-Aubert paroissoit occupé des plantes, il contemploit souvent avec transport Emilie et Valancourt, qui se promenoient ensemble ; l’un avec la contenance et l’émotion du plaisir, indiquoit un grand trait dans la scène qui s’offroit à eux ; l’autre écoutoit et regardoit avec une expression de sensibilité sérieuse, qui indiquoit l’élévation de son esprit. Ils avoient l’air de deux amans qui n’avoient jamais quitté leurs montagnes, que leur situation avoit préservés de la contagion des frivolités, dont les idées simples et grandes, comme le paysage qu’ils parcouroient, ne concevoient le bonheur que dans la tendre union des cœurs purs. Saint-Aubert sourioit et soupiroit en même temps, en songeant au bonheur romanesque dont son imagination lui présentoit le tableau ; il soupiroit encore, en songeant combien la nature et la simplicité étoient donc étrangères au monde, puisque leurs doux plaisirs paroissoient un roman.

Le monde, disoit-il, en suivant sa pensée, le monde ridiculise une passion qu’il connoît à peine ; ses mouvemens, ses intérêts, distraient l’esprit, dépravent les