Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/135

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étoit peu susceptible de volupté frivole. Il se plaisoit dans le développement des passions énergiques ; les difficultés, les tempêtes de la vie qui renversent le bonheur des autres, ranimoient tous les ressorts de son ame, et lui procuroient les seules jouissances dont il fut capable. Sans un extrême intérêt, la vie n’étoit pour lui qu’un sommeil. Quand un intérêt réel lui manquoit, il s’enformoit d’artificiels, jusqu’à ce que, l’habitude venant à les dénaturer, ils cessassent d’être fictifs : tel étoit l’amour du jeu. Il ne s’y étoit d’abord livré que pour se tirer de l’inaction et de la langueur, et il y avoit persisté avec toute l’ardeur d’une passion opiniâtre. C’est à jouer qu’il avoit passé la nuit avec Cavigni, dans une société de jeunes gens, qui avoient plus d’écus que d’aïeux, et plus de vices encore que d’argent. Montoni méprisoit la plupart de ces gens, plutôt pour la foiblesse de leurs talens que pour la bassesse de leurs inclinations ; il ne se les associoit que pour en faire les instrumens de ses desseins. Dans ce nombre, cependant, il s’en trouvoit de plus habiles, et Montoni les admettoit à son intimité ; mais encore conservoit-il, à leur égard, cet air hautain et décidé qui commande la soumission aux esprits lâches