Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/173

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déjà donné mon avis, et M. Montoni a raison de forcer votre consentement par tous les moyens qui sont en son pouvoir. Quand les jeunes personnes s’aveuglent sur leurs intérêts et s’en écartent obstinément, le plus grand bonheur qu’elles puissent avoir, c’est de trouver des amis qui s’opposent à leur folie. Dites-moi, je vous prie, si vous pouviez prétendre à un parti aussi avantageux que celui qui s’offre ?

Non, madame, reprit Emilie, je n’ai point l’orgueil de prétendre…

Non, ma nièce, on ne peut nier que vous n’ayez passablement d’orgueil. Mon pauvre frère, votre père, étoit assez glorieux aussi ; mais, en vérité, il faut que je le dise, la fortune ne le soutenoit pas bien.

Embarrassée par l’indignation que lui causoit cette maligne allusion à son père, et par la difficulté de rendre la réplique assez modérée pour qu’elle fût répressive, Emilie hésita quelque temps avec une sorte de confusion dont sa tante se sentoit ravie ; elle dit enfin : L’orgueil de mon père, madame, avoit un noble objet ; le seul bonheur qu’il connût venoit de sa bonté, de ses lumières et de sa charité. Il ne le fit jamais consister à surpasser personne en fortune. Il n’étoit point humilié de son infé-