plutôt la joie de sa nièce qu’aucun sentiment de sympathie. Elle pensoit qu’elle la mépriseroit, et sûrement ne la plaindroit pas. Mais elle connoissoit mal la bonté d’Emilie. Son cœur oublioit les injures quand son ennemi étoit malheureux. Les peines des autres, quelles qu’elles fussent, trouvoient en elle une compassion inaltérable ; et tout ce que la passion ou le préjugé avoient pu laisser dans son esprit, s’évanouissoit comme autant de nuages au prompt mouvement de sa bienveillance.
Les peines de madame Montoni l’emportèrent enfin sur son orgueil. Quand Emilie étoit entrée le matin, elle les auroit dévoilées toutes, si son époux ne l’eût prévenue, et dans ce moment où sa présence ne la contraignoit plus, elle exhala ses plaintes amères.
— Ô Emilie ! s’écria-t-elle, je suis la plus malheureuse des femmes ! Je suis traitée d’une manière cruelle ! Qui l’eût prévu, quand j’avois devant moi une si belle perspective, que j’éprouverois un si affreux destin ? Qui l’eût pensé, quand j’épousai un homme comme M. Montoni, que j’empoisonnois toute ma vie ? Il n’est aucun moyen de juger le meilleur parti qu’on ait à prendre ; il n’en est point pour reconnoître un