Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/121

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d’une douleur dont un excès de tendresse étoit la cause. Il y avoit eu des temps où la musique avoit influé sur elle si vivement, que, si elle n’eût cessé, elle auroit perdu la raison. Tel avoit été le temps où elle pleuroit son père, et quand, après sa mort, les accords nocturnes se firent entendre auprès de sa fenêtre, en Languedoc, dans le voisinage du couvent.

Elle continua de préluder jusqu’au moment où Annette lui apporta son dîner dans sa chambre. Emilie fut surprise, et demanda qui lui en avoit donné l’ordre. Ma maîtresse, mademoiselle, dit Annette. Monsieur a commandé qu’on la servît dans son appartement, et elle vous envoie à dîner dans le vôtre. Il y a eu de tristes débats entre eux : c’est pis que jamais, à ce que je vois.

Emilie, sans paroître remarquer ce qu’elle disoit, alla se placer à sa petite table ; mais Annette ne se taisoit pas si facilement : elle parla à Emilie de l’arrivée des hommes que déjà elle avoit vus sur le rempart. Elle parut étonnée de leur étrange figure, aussi bien que de l’accueil que Montoni leur avoit fait. Dînent-ils avec lui, dit Emilie ?

— Non, mademoiselle ; ils ont dîné il y a long-temps dans leur chambre, au bout de la galerie du nord. Je ne sais pas quand