Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/84

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baigna de ses innocentes larmes. Elle pensoit aux parens qu’elle ne possédoit plus. Elle pensoit à Valancourt, éloigné d’elle. Elle les appeloit fréquemment par leur nom et le calme profond que ses plaintes seules interrompoient, aidoit ses tendres rêveries.

Dans cet état, son oreille saisit tout à coup les accords d’une musique éloignée. Elle écouta attentivement ; et reconnoissant bientôt l’instrument qu’elle avoit entendu à minuit, elle se leva et ouvrit doucement sa fenêtre. Les sons parurent venir de la chambre au-dessous de la sienne.

Peu de momens après, cette touchante mélodie fut accompagnée d’une voix ; et elle étoit si expressive, qu’on ne pouvoit supposer qu’elle chantât des maux imaginaires. Emilie crut qu’elle connoissoit déjà des accens si doux et si extraordinaires. Pourtant si c’étoit un souvenir, c’étoit un souvenir bien foible. Cette musique pénétra son cœur au milieu de son angoisse actuelle, comme une céleste harmonie qui console et qui encourage ; « flatteuse comme le souffle du zéphyr qui murmure à l’oreille du chasseur, quand il s’éveille d’un songe heureux, et qu’il a entendu les concerts des esprits qui habitent les montagnes ». (Ossian.)