Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/85

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Mais pourra-t-on imaginer son émotion, lorsqu’elle entendit chanter avec le goût et la simplicité du véritable sentiment, un des airs populaires de sa province natale ; un de ces airs qu’elle avoit appris dans son enfance avec délices, et que si souvent son père lui avoit répétés ? À ce chant bien connu, que jamais jusque-là elle n’avoit entendu hors de sa chère patrie, tout son cœur s’épanouit à la mémoire des temps passés. Les charmantes, les paisibles solitudes de Gascogne ; la tendresse, la bonté de ses parens, le bonheur, la simplicité de sa vie première, tout se présentoit à son imagination, et formoit un tableau si gracieux, si brillant, si fortement en contraste avec les scènes, les caractères, les dangers qui maintenant l’environnoient ! Son esprit n’avoit plus la force de revenir sur le passé, et ressentait à tout moment l’aiguillon de ses cruelles souffrances.

Ses soupirs étoient profonds et convulsifs : elle ne put plus supporter cette chanson, qui l’avoit tant de fois ravie pendant les jours de sa tranquillité ; elle quitta sa fenêtre, et se retira à l’autre bout de la chambre. On y entendoit encore le chant : la mesure changea, et un air nouveau rappela Emilie à sa fenêtre ; à l’instant elle