Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/106

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— Je voudrois vous demander, dit Emilie d’une voix douce, mais émue, ce que signifie ce discours. Mais je m’apperçois qu’en ce moment une telle question vous affligeroit. Parlons d’autre chose. Demain, peut-être, vous serez plus calme. Observez le clair de lune sur les bois, et ces tours qui se détachent dans cette perspective obscure. Vous étiez autrefois admirateur de la nature ; vous me disiez que la faculté de se consoler sous le poids du malheur, par une contemplation sublime, étoit l’avantage de l’innocence, et que ni l’oppression ni l’excès de la pauvreté ne pouvoient jamais nous l’enlever. Valancourt fut profondément attendri. Oui, lui répondit-il, autrefois j’aimois les plaisirs-simples, autrefois je goûtois les plaisirs innocens, autrefois j’avois le cœur pur. Puis se reprenant, il ajouta : Vous rappelez-vous notre voyage des Pyrénées ?

— Puis-je l’oublier, dit Emilie ? — Je voudrois le pouvoir, répliqua-t-il. Ce fut l’époque la plus heureuse de ma vie : alors j’aimois avec enthousiasme tout ce qui étoit vraiment grand, vraiment bon. Il se passa quelques momens avant qu’Emilie pût retenir ses larmes et contenir son émotion. Si vous desirez oublier ce voyage, lui dit-elle,