Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/144

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femme du marquis, et qu’elle avoit d’abord épousé secrètement le chevalier qu’elle aimoit tant. Elle n’osa pas le confesser à son père qui étoit un homme dur ; mais cela n’est pas vraisemblable, et je n’y ai jamais donné une grande confiance. Comme je disois, le marquis, à ce qu’il me sembloit, étoit hors de lui-même quand ce chevalier se trouvoit au château. Le traitement qu’il faisoit à madame la rendit à la fin misérable à l’excès. Il ne vouloit plus qu’elle vît personne, et la laissoit vivre toute seule. Je la servois toujours. Je voyois ce qu’elle souffroit, mais elle ne se plaignoit pas.

Après un an passé de la sorte, madame tomba malade. Je crus d’abord que son chagrin en étoit la cause ; mais, hélas ! je crains bien que cette cause ne fût plus fâcheuse.

— Plus fâcheuse ! dit Emilie ; et comment ?

— Je le crains, mademoiselle ; il y eut d’étranges circonstances ; mais je vous dirai seulement ce qui arriva : M. le marquis…

— Paix, Dorothée. Qu’est-ce que j’entends ? dit Emilie.

Dorothée changea de visage. Elles écoutèrent toutes deux, et entendirent quelques sons d’une douceur singulière.