Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/49

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curité, et les tours d’un monastère que la clarté de la lune faisoit ressortir au-dessus des bois.

Les teintes douces et incertaines qui se répandoient sur la scène, l’ondulation des vagues au clair de lune, leur murmure sourd et mesuré, étoient autant de moyens pour élever l’esprit neuf de Blanche aux émotions de l’enthousiasme.

— Ai-je donc vécu si long-temps en ce monde, se disoit-elle, sans avoir vu ce spectacle, sans avoir éprouvé ces délices ! La plus pauvre paysanne des domaines de mon père a vu depuis son enfance le coup-d’œil de la nature, a parcouru en liberté ces situations pittoresques ; et moi, au fond d’un cloître, on m’a privée de ces merveilles qui doivent enchanter les yeux et ravir tous les cœurs. Comment ces pauvres nonnes, comment ces pauvres moines, peuvent-ils sentir une violente ferveur s’ils ne voient ni lever ni coucher le soleil ? Jamais, jusqu’à ce soir, je n’ai connu ce qu’étoit la dévotion. Jamais, jusqu’à ce soir, je n’avois vu le soleil quitter cet hémisphère. Demain pour la première fois de ma vie, demain je le verrai lever. Oh ! qui pourrait vivre à Paris ? ne voir que des murs noirs et de sales rues, quand, au milieu de la campagne, on