elle domine toutes les autres, elle s’empare de tous les chemins du cœur ; c’est une furie qui nous possède, et qui nous fait agir en furie, qui nous rend insensibles à la pitié, à la conscience ; et quand son but est rempli, furie toujours plus impitoyable, elle nous livre, pour notre tourment, à tous ces sentimens qu’elle avoit suspendus, qu’elle n’avoit point étouffés, aux supplices de la compassion, du remords, du désespoir. Nous nous éveillons comme d’un songe : un nouveau monde nous entoure, nous sommes étonnés, épouvantés ; mais le forfait est commis. Les pouvoirs réunis du ciel et de la terre ne sauroient plus l’anéantir, les fantômes nous poursuivent. Que sont les richesses, la grandeur, la santé même, auprès de l’inestimable avantage d’une conscience pure, auprès de la santé de l’âme ? Que sont les chagrins de la pauvreté, du mépris, de la misère, près des angoisses d’une conscience affligée ? Oh ! quel temps s’est écoulé, depuis que j’ai perdu cette richesse de l’innocence ! Je croyois avoir épuisé l’excès des maux, l’amour, la jalousie, le désespoir. Ces peines étaient des jouissances auprès des tourmens de ma conscience. J’ai goûté ce qu’on appelait les douceurs de la vengeance ; mais
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