Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/64

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si depuis peu quelqu’un s’y fût assis. Les autres meubles étoient rangés précisément comme la dernière fois qu’elle les avoit vus ; et Emilie pensa qu’on n’en avoit touché aucun depuis son voyage d’Italie. Le silence et la solitude de ce pavillon secondoient en ce moment sa disposition à la mélancolie. Elle n’entendoit que le murmure du zéphyr qui soulevoit les feuilles des pampres, et celui des flots de la Garonne.

Elle se plaça sur sa chaise près du balcon, et s’abandonna sans réserve à la tristesse de son cœur ; elle se rendoit présens les moindres détails de l’entrevue qu’à la veille de partir, elle avoit eue avec Valancourt. C’étoit en ce lieu, c’étoit là que s’étoient écoulés avec lui les plus heureux instans de sa vie, lorsque sa tante favorisoit leurs projets. Elle travailloit près de lui, il lisoit auprès d’elle, et souvent ils causoient ensemble. Elle se rappeloit la sagacité avec laquelle il lui désignoit les plus beaux passages des livres qu’ils préféroient, l’enthousiasme avec lequel il les lui répétoit. Il s’arrêtoit pour en admirer l’excellence ; il écoutoit ses remarques avec un tendre plaisir, et souvent dirigeoit son goût.

— Est-il possible, s’écrioit Emilie, est-il possible qu’un esprit si sensible aux belles,