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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

sentiments. On la croyait insensible, et son fils lui-même la trouvait distante. Mme de Séryeuse adorait son fils, mais veuve à vingt ans, dans sa crainte de donner à François une éducation féminine, elle avait refoulé ses élans. Une ménagère ne peut voir du pain émietté : les caresses semblaient à Mme  de Séryeuse gaspillage du cœur et capables d’appauvrir les grands sentiments.

François n’avait en rien souffert de cette fausse froideur, tant qu’il n’avait pas soupçonné qu’une mère pût être différente. Mais lorsque des amis lui vinrent, le monde lui donna le spectacle de sa fausse chaleur. François compara ces excès à la tenue de Mme  de Séryeuse, et s’attrista. Aussi cette mère et ce fils, qui ne savaient rien l’un de l’autre, se lamentaient séparément. Face à face ils étaient glacés. Mme  de Séryeuse, qui pensait toujours à la conduite qu’aurait tenue son mari, s’interdisait les larmes. « N’est-il pas normal qu’un fils de vingt

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