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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

qui, hors Versailles et deux ou trois lieux de ce genre, la nature est une forêt vierge, où un homme bien « ne se hasarde pas ».

En outre, pour la première fois, Anne d’Orgel voyait sa femme hors de son soleil, de ses préoccupations. Il lui en trouva plus de saveur, comme si elle eût été la femme d’un autre.

— Quel dommage, Anne, que vous n’ayez pas les mêmes goûts que moi, dit Mme  d’Orgel, animée par ce dialogue.

Aussitôt elle se calma et sa phrase lui apparut comme dite à la légère, une bévue sans signification. Or ces mots, qu’elle n’avait jamais prononcés, ni même pensés, étaient pourtant significatifs. La différence entre Anne et Mahaut était profonde. C’était celle qui au cours des siècles opposa les Grimoard aux Orgel comme le jour à la nuit – cet antagonisme de la noblesse de cour et de la noblesse féodale. La chance avait toujours souri aux Orgel. Ainsi, quoique de petite

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