Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/100

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souffre silencieusement de voir Edmund rôder autour de la nouvelle venue. Elle cache si bien ses sentiments que son aveugle cousin la prend comme confidente de son admiration et de ses espoirs. Mary Crawford elle-même, séduite par la douceur de Fanny, lui confesse son penchant pour Edmund, penchant que contrarient sa répugnance à épouser un futur pasteur et son peu d’inclination pour une vie tranquille.

Fanny, oubliant sa propre détresse, se désole surtout à la pensée que son cousin va peut-être épouser une femme indigne de lui et incapable de le comprendre. Elle sait bien qu’Edmund n’est pas pour elle ; elle est trop modeste pour en avoir même la pensée ; mais elle voudrait le savoir heureux. Elle voudrait aussi ne pas être tout à fait oubliée ; elle est si heureuse, lorsque, abandonnant pour un instant les jupes de Mary Crawford, il vient causer sérieusement avec elle. Cela arrive bien rarement maintenant, et elle suit avec angoisse l’influence croissante de la mondaine sans principes sur son cousin. Après s’être opposé énergiquement à la représentation d’une comédie trop légère, il accepte, lui, un futur pasteur, d’y jouer un rôle, pour avoir le plaisir de donner la réplique à Mary Crawford. Tous deux viennent demander à Fanny d’écouter la répétition de leur partie et de leur signaler leurs fautes ; la petite cousine, le cœur serré, suit attentivement sur le livret les marivaudages auquel les sentiments respectifs des deux acteurs donnent un semblant de réalité, et elle les corrige avec bonne grâce.

Le retour imprévu de Sir Thomas interrompt les répétitions, met le désarroi parmi la joyeuse troupe, et ramène le calme. Maria épouse le fiancé riche et bête découvert par Mrs. Norris, et un moment négligé pour disputer Henry Crawford à sa sœur. Celui-ci maintenant se désintéresse de l’une et de l’autre. Il a remarqué tout à coup que Fanny était jolie ; « il n’a jamais rencontré