Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/101

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une jeune fille qui l’ai regardé aussi sévèrement », cela excite ses appétits blasés de viveur, et il ne sera pas satisfait avant « d’avoir fait un petit trou dans le cœur de Fanny Price ». Il expose son programme à sa sœur Mary : « Je ne veux lui faire aucun mal, à la chère petite âme. Je veux seulement qu’elle me regarde avec amabilité, qu’elle me sourie et qu’elle rougisse, qu’elle me réserve toujours une chaise près d’elle, qu’elle soit émue lorsque je m’approche et que je lui parle, qu’elle pense comme moi, qu’elle s’intéresse à toutes mes affaires et à tous mes plaisirs, qu’elle essaie de me retenir à Mansfield Park, et qu’elle sente, lorsque je partirai, qu’elle ne pourra plus jamais être heureuse. Je ne désire rien de plus. »

Si peu exigeant qu’il soit, il va être déçu. Ses manœuvres ne font qu’agacer Fanny, et accroissent son antipathie pour le Don Juan qui a si cruellement joué avec les sentiments de ses cousines. Il se pique au jeu, redouble de prévenances, se laisse prendre lui-même. Il finit par aimer Fanny avec toute l’impétuosité de son caractère, et il la demande en mariage à Sir Thomas. Celui-ci accueille favorablement une proposition aussi avantageuse, et s’empresse de la communiquer à sa nièce, ne doutant pas un instant de la joie qu’il va provoquer. À son grand étonnement, Fanny refuse, doucement, mais énergiquement. Son oncle a beau la raisonner, s’emporter, l’accuser d’orgueil et d’ingratitude, elle ne cède pas. En vain Edmund lui-même intervient ; son mariage avec Mary Crawford est presque décidé, et il serait très heureux d’avoir Fanny pour belle-sœur. Il n’arrive pas à persuader sa cousine.

Sir Thomas pense qu’elle a été trop gâtée à Mansfield Park ; elle n’y a connu que les agréments d’une vie aisée, il faut qu’elle sache ce qu’est la pauvreté pour apprécier les avantages de la fortune et la valeur de l’offre d’Henri Crawford. Il envoie sa nièce passer quelques mois à